"La beauté des formes : entre création et répétition"


"Vue du dehors, la nature apparaît comme une immense efflorescence d’imprévisible nouveauté; la force qui l’anime semble créer avec amour, pour rien, pour le plaisir, la variété sans fin des espèces végétales et animales; à chacune elle confère la valeur absolue d’une grande œuvre d’art; on dirait qu’elle s’attache à la première venue autant qu’aux autres, autant qu’à l’homme. Mais la forme d’un vivant, une fois dessinée, se répète indéfiniment; mais les actes de ce vivant, une fois accomplis, tendent à s’imiter eux mêmes et à se recommencer automatiquement : automatisme et répétition, qui dominent partout ailleurs que chez l’homme, devraient nous avertir que nous sommes ici à des haltes, et que le piétinement sur place, auquel nous avons affaire, n’est pas le mouvement même de la vie. Le point de vue de l’artiste est donc important, mais non pas définitif. La richesse et l’originalité des formes marquent bien un épanouissement de la vie; mais dans cet épanouissement, dont la beauté signifie puissance, la vie manifeste aussi bien un arrêt de son élan et une impuissance momentanée à pousser plus loin, comme l’enfant qui arrondit en volte gracieuse la fin de sa glissade."


H. Bergson, "La conscience et la vie", (1911) in L'énergie spirituelle, PUF.

L'Esprit des animaux



Musée Amérindien Mashteuiatsh, près de Chicoutimi, sur les bords du Lac Saint-Jean, Québec. Une modeste salle d'exposition pour l'oeuvre de Diane Robertson, métis Montagnaise, décédée d'une leucémie à l'âge de 33 ans. L'Esprit des animaux présente un ensemble de pièces de taxidermie, partielles, dans la mesure où l'artiste ne s'est occupé de préserver que les membres les mieux à même de représenter le mouvement migratoire. Pattes de caribou fixées sur le sol, ailes de hérons suspendues, pieds de chevreuils encastrés dans les murs, col courbé des canards. Chaque élément est rigoureusement placé, chaque stase suit un mouvement naturel particulier. Pris au coeur d'un cycle brusquement arrêté, mais toujours sensible dans ces traces.

Netz


"L'araignée mise au mur", Francis Ponge.

Pour une Wunderkammer sous les flammes.








Le 1er février dernier, un incendie a ravagé l'établissement de taxidermie parisien Deyrolle : le cabinet de curiosités, la salle d’entomologie et une grande partie des collections historiques ont été touchés. Le Monde fait une petite rétrospective sur les dons effectués pour sa rénovation.

http://www.lemonde.fr/culture/portfolio/2008/11/14/les-artistes-au-secours-du-taxidermiste-deyrolle_1118333_3246.html



Encore Alexandre-Isidore Leroy de Barbe...



”Choix de coquillages”, Alexandre-Isidore Leroy de Barbe (1777-1828), RMN / Coll. Musée du Louvre, Paris.

Le cabinet d'histoire naturelle du Marquis de Livry

Le cabinet d'histoire naturelle du Marquis de Livry en 1792 se trouvait dans ses appartements à l'étage. Ce cabinet contenait notamment : " Une grande armoire faisant lambris, les portes vitrées en grands carreaux, verre fin dix-huit livres le carreau, laquelle armoire contient un cabinet d'histoire naturelle assez bien composé. Dans deux autres armoires des deux côtés vitrés de même, la suite du cabinet d'histoire naturelle le grand et petit harles, une caille, un butor, quelques figures en plâtre bronzé. Contre le lambris et contre le trumeau de la cheminée vingt-huit tableaux d'hélophiles et plantes maritimes avec leurs cadres dorés. Un autre tableau avec son cadre doré contenant tous papillons de différentes espèces. Quarante-huit autres tableaux avec leurs cadres dorés imitant plusieurs plantes étrangères enluminées."

Scipion Dupleix



Originaire de Condom, Scipion Dupleix monté à Paris fut précepteur d'Antoine de Bourbon, fils d'Henri IV. Il fut par la suite nommé par Louis XIII historiographe de France et conseiller d'Etat. Il rédigea quelques ouvrages de philosophie, dont "La curiosité naturelle rédigée en questions selon l'ordre alphabétique", "L'éthique ou philosophie morale","Les causes de la veille et du sommeil, des songes et de la vie et de la mort”.

Fables de La Fontaine - Suite



Photo prise à Moscou en avril 2008.

Levrette et Belette à Rochefort

La Chauve-souris et les deux Belettes


La Chauve-souris et les deux Belettes,
Illustration de J.J. Grandville.


“Une Chauve-Souris donna tête baissée
Dans un nid de Belette ; et sitôt qu'elle y fut,
L'autre, envers les souris de longtemps courroucée,
Pour la dévorer accourut.
"Quoi ? vous osez, dit-elle, à mes yeux vous produire,
Après que votre race a tâché de me nuire!
N'êtes-vous pas Souris ? Parlez sans fiction.
Oui, vous l'êtes, ou bien je ne suis pas Belette.
- Pardonnez-moi, dit la pauvrette,
Ce n'est pas ma profession.
Moi Souris ! Des méchants vous ont dit ces nouvelles.
Grâce à l'Auteur de l'Univers,
Je suis Oiseau ; voyez mes ailes :
Vive la gent qui fend les airs! "
Sa raison plut, et sembla bonne.
Elle fait si bien qu'on lui donne
Liberté de se retirer.
Deux jours après, notre étourdie
Aveuglément se va fourrer
Chez une autre Belette, aux oiseaux ennemie.
La voilà derechef en danger de sa vie.
La Dame du logis avec son long museau
S'en allait la croquer en qualité d'Oiseau,
Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage :
"Moi, pour telle passer! Vous n'y regardez pas.
Qui fait l'Oiseau ? c'est le plumage.
Je suis Souris : vivent les Rats !
Jupiter confonde les Chats ! "
Par cette adroite repartie
Elle sauva deux fois sa vie.
Plusieurs se sont trouvés qui, d'écharpe changeants
Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue.
Le Sage dit, selon les gens :
"Vive le Roi, vive la Ligue."

Jean de la Fontaine, Fables, Livre II.

Belette (Mustela nivalis)

Palafox

“Certes, à première vue, tout laisse à penser que Palafox est un poussin, un simple poussin, puisque son œuf vole en éclats, un autruchon comme il en éclot chaque jour de par le monde, haut sur pattes et le cou démesuré, un girafon très ordinaire, au pelage jaune tacheté de brun, un de ces léopards silencieux et redoutables, volontiers mangeurs d’hommes, un requin bleu comme tous les requins bleus, assoiffé de sang, en somme un moustique agaçant de plus, avec sa trompe si caractéristique, un éléphanteau banal, mais bientôt on se prend à douter. Palafox coasse. Palafox nous lèche le visage. Alors nos certitudes vacillent. Penchons-nous sur Palafox”

Eric Chevillard, Palafox, Paris : Les Éditions de Minuit, 1990.

“J'ai épousé un communiste”

"L'intérêt d'Ira pour la taxidermie faisait partie de la fascination prolétaire qu'il avait conservée non point tant pour la beauté de la nature, mais pour la nature modifiée, industrialisée, exploitée, retouchée, usée, défigurée, voire, comme on commençait à s'en rendre compte au coeur de ce pays du zinc, détruite par l'homme. Lorsque je passai pour la première fois le seuil des Bixton ( Horace et Frank taxidermistes, père et fils) le bizarre capharnaüm de la petite pièce du devant me donna le vertige : il y avait des peaux tannées empilées partout; des andouillés pendus au plafond, avec des étiquettes, accrochés par du fil de fer, des andouillers sur toute la longueur de la pièce, par douzaines. D'énormes poissons vernis pendaient également au plafond, des poissons luisants aux nageoires déployées comme des voiles, des poissons luisants avec des épées allongées, un gros poisson luisant au faciès de singe; des têtes d'animaux, petit modèle, moyen modèle, grand et très grand modèle montées sur chaque centimètre carré du mur; toute une escadrille de canards, d'oies, d'aigles et de hiboux sur le plancher, nombre d'entre eux ailes déployées comme en plein vol. Il y avait des faisans, des dindons sauvages; il y avait un pélican, un cygne et puis aussi, furtivement répartis au milieu des volatiles, un putois, un lynx, un coyote, et deux castors. Sous des vitrines poussièreuses, le long des murs, des oiseaux de petite taille, colombes, pigeons, un petit alligator, ainsi que des serpents enroulés, des lézards, des tortues, des lapins, des écureuils et des rongeurs de tout poil, souris, belettes, en compagnie d'autres bestioles antipathiques que je n'aurais pas su nommer, toutes nichées de manière réaliste dans de vieux décors naturels fanés. Et, partout, de la poussière, recouvrant les fourrures, les plumes, les peaux, tout.

Philippe Roth, “J'ai épousé un communiste”.

Alexandre Isidore Leroy de Barbe





"Nature morte aux oiseaux exotiques, au centre : un hibou, autour divers oiseaux", Alexandre Isidore Leroy de Barbe (1777 - 1828).