"Vue du dehors, la nature apparaît comme une immense efflorescence d’imprévisible nouveauté; la force qui l’anime semble créer avec amour, pour rien, pour le plaisir, la variété sans fin des espèces végétales et animales; à chacune elle confère la valeur absolue d’une grande œuvre d’art; on dirait qu’elle s’attache à la première venue autant qu’aux autres, autant qu’à l’homme. Mais la forme d’un vivant, une fois dessinée, se répète indéfiniment; mais les actes de ce vivant, une fois accomplis, tendent à s’imiter eux mêmes et à se recommencer automatiquement : automatisme et répétition, qui dominent partout ailleurs que chez l’homme, devraient nous avertir que nous sommes ici à des haltes, et que le piétinement sur place, auquel nous avons affaire, n’est pas le mouvement même de la vie. Le point de vue de l’artiste est donc important, mais non pas définitif. La richesse et l’originalité des formes marquent bien un épanouissement de la vie; mais dans cet épanouissement, dont la beauté signifie puissance, la vie manifeste aussi bien un arrêt de son élan et une impuissance momentanée à pousser plus loin, comme l’enfant qui arrondit en volte gracieuse la fin de sa glissade."
H. Bergson, "La conscience et la vie", (1911) in L'énergie spirituelle, PUF.
H. Bergson, "La conscience et la vie", (1911) in L'énergie spirituelle, PUF.
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