En 1958 puis en 1959 et 1960, Saul Bass et Bernard Herrmann collaborent à la création de trois génériques de film pour Alfred Hitchcock. Vertigo puis North by Northwest et enfin Psycho utilisent les talents du graphiste et du compositeur afin de créer des génériques originaux capables de propulser le spectateur dans la fiction. Jamais création graphique et musique ne se sont mieux complétées. Véritable film dans le film, leurs génériques proposent une sorte de contrat au spectateur : Ils s'engagent à lui fournir au travers d'un jeu graphique et sonore, les clés de la narration. L'enjeu du générique est donc clair : Préparer le spectateur à ce qu'il va voir tout en ménageant un effet de surprise.
Leurs génériques mettent en perspective la manière dont on crée les illusions afin que le spectateur soit réceptif au spectacle qu'il s'apprête à voir. Il doit être conscient que le film est une sorte de réalité alternative. Il faut donc le sortir de sa propre réalité pour le faire pénétrer dans la fiction. Les dessins de Saul Bass, qu'ils représentent une spirale, un quadrillage ou une série de lignes, sont des sortes d'architectures vides qui n'auront de sens que lorsqu'elles seront remplies par le récit. Le graphiste essaie de nous faire oublier que le film défile sur une surface plane et que la troisième dimension est absente de l'écran. Il utilise ainsi des structures dynamiques qui bougent de droite à gauche, de haut en bas et du fond vers l'avant. Cet effet crée une nouvelle interprétation de la surface spatiale; les formes acquièrent force et direction : Elles deviennent des forces spatiales. La présence et le retour de ces figures géométriques constituent la trame d'un réseau dont le centre serait constitué par les thèmes de la crise d'identité et de l'obsession.
Bernard Herrmann quant à lui, compose les trois génériques à l'image des ouvertures d'opéra dites pot pourri, et annonce ainsi les thèmes principaux de chaque film.
Le générique met ainsi en place une série de codes qui permettent à Hitchcock de dessiner une véritable géométrie du destin et de l'inéluctable. Le spectateur doit interpréter ces figures comme autant d'indices destinés à l'aider à comprendre la condition de chaque personnage et par identification sa propre condition.
Les génériqeus de Saul Bass et Bernard Herrmann n'imitent pas le film mais en font leur propre commentaire. Les deux médias (musique et graphisme) délivrent leur message de manière indépendante mais cohérente. Leurs génériques appartiennent au film mais constituent déjà un discours sur le film. Ils résument l'histoire en même temps qu'ils stimulent le spectateur à rechercher ce qu'il se passe derrière les images. Ils invitent ainsi ceux qui regardent à ne pas rester passifs, à comprendre les raisons qui ont motivé le réalisateur à faire certains choix artistiques.
"Mon but au travers du générique est de préparer le spectateur à l'émotion du film, à lui ouvrir l'appétit, à le plonger dans l'ambiance de l'histoire, en abordant déjà, et de manière métaphorique les thèmes présents dans le film. C'est une sorte de conditionnement, une expérience qui fait que lorsque le film commence, le public a déjà ressenti une résonance émotionnelle" (Saul Bass)
Prochainement une brève analyse de chacun des 3 génériques.